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2 décembre 2021

Comment conseiller une rénovation performante à des propriétaires en panne de chaudière ?

Panne de chaudière

C’est le grand classique de décembre : les premiers jours de froid sont là (et pour certains les premiers flocons) et les chauffagistes sont débordés. “Allô, c’est urgent, la chaudière ne démarre pas. Ça fait plusieurs jours qu’on est sans chauffage, les murs sont froids et de la condensation apparaît sur les murs et fenêtres… Est-ce que vous pouvez venir la remplacer au plus vite ?”.

Comment faire pour aider cette famille et lui conseiller une rénovation performante en urgence ? Entre contrainte budgétaire et urgence de chauffer le logement, la rénovation performante peine à trouver sa place dans la discussion. Pourtant, c’est un moment clé pour aborder le sujet. Et voici pourquoi.

Les ménages et la rénovation performante énergétique

L’enquête TREMI 2020 rapporte que 39 % des propriétaires réalisent des travaux de rénovation énergétique au moment de la panne d’un équipement, ou de la dégradation d’une paroi (sinistre). Ces actions, en urgence, ne permettent alors pas de réduire les factures, car un lot seul ne suffit pas pour réduire les consommations et, dans certains cas, l’isolation n’est pas prévue.

Facteurs déclancheurs des travaux
Figure 1 : Facteurs déclencheurs de travaux (source : enquête Tremi 2020, exploitation Ademe). Notes de lecture : le total excède 100 % en raison de réponses multiples (jusqu’à 3 réponses). France métropolitaine, ménages en maisons individuelles ayant terminé des travaux en 2019 et ayant déclaré au moins un facteur déclencheur. Maison verte = ménages ayant gagné au moins 2 classes de DPE en réalisant des travaux // maison grise = ensemble des ménages ayant rénové avec au moins un geste de travaux.

Pour le poste chauffage, les particuliers font majoritairement appel à des professionnels (dans 78 % des cas selon la même enquête) notamment lorsqu’il s’agit de système à eau chaude (chaudière, PAC) ou d’un poêle central. Les artisans sont donc les interlocuteurs privilégiés pour conseiller d’autres actions permettant d’atteindre une rénovation performante.

 

Quels sont les risques d’un changement de système de chauffage avant tout autre poste de travaux ?

Pour Dorémi, la rénovation performante est avant tout une rénovation en une seule étape et  s’attache autant au confort et à la santé de l’occupant, qu’à sa facture et à la préservation du bâti. Mais nous constatons que, pour certains projets, il est souhaitable qu’un poste soit reporté dans une étape ultérieure pour des raisons financières, ou lorsqu’un des équipements a été récemment remplacé … Le parcours de rénovation à privilégier comporte alors 2 étapes, dont une première dite forte et une seconde comprenant un seul lot.

Définition de la rénovation performante
Figure 2 : Définition de la rénovation performante (source Ademe-Dorémi 2021)

Cette vision est confortée par un rapport de l’Ademe , rédigé par Dorémi et Enertech, et présente les risques d’une rénovation par geste, et les conditions de réussite d’une rénovation performante par étapes. Il conclut sur l’importance de privilégier des rénovations en une seule étape (la rénovation performante) mais autorise également des parcours en 2 étapes, sous conditions. L’augmentation du nombre d’étapes amplifie la complexité du projet (comment assurer la continuité de l’isolation réalisée par étapes ? ) et limite l’atteinte de la performance à terme : en plus de consommations dépassant les objectifs, des pathologies sur les parois (condensation et moisissures) peuvent apparaître entre 2 étapes et le bien-être de l’occupant (confort et qualité d’air) n’est plus assuré. C’est donc un parcours en 2 étapes qui vise les mêmes objectifs de la rénovation performante, qu’il faut appliquer. C’est ce que nous appelons la rénovation performante par étapes (tout simplement).

Idéalement, le poste chauffage doit être réalisé en même temps que les autres postes pour que l’équipement soit adapté au projet (dimensionnement, position, émetteurs …), ou reporté dans une 2e étape.

 

“Alors, est-ce possible d’atteindre une rénovation performante si je change ma chaudière avant tout le reste ? ”

Et bien, je vais vous faire une réponse de normande : oui et non ! Tout réside dans le bon traitement des interfaces et des interactions du poste chauffage avec tous les autres postes (isolation des murs, de la toiture, ventilation…), et donc dans l’anticipation des travaux futurs. La vision globale de l'artisan-chauffagiste est indispensable pour assurer la réussite d’un projet par étapes qui commencerait par le système de chauffage.

 

Le choix du système de chauffage

Après avoir défini avec les propriétaires si l’énergie de chauffage est conservée ou non, la première notion qui vient en tête est le dimensionnement de l’équipement : il faut pouvoir chauffer la maison aujourd’hui, mais aussi à la fin du parcours de rénovation. On parle alors d’interaction : le niveau d’isolation impacte le dimensionnement de l’équipement. La puissance nécessaire peut varier d’un facteur 10 entre l’état initial de la maison (24 kW) et le logement rénové performant (2 kW en mi-saison). Si certaines chaudières gaz sont très modulantes (2-24 kW pour les plus modulantes), ce ne sont pas les plus couramment posées. Et pour les autres sources d’énergie, la modulation de puissance n’est pas encore adaptée à ces parcours de rénovation par étape : il existe des PAC air-eau 8-20kW ou 2-7 kW mais à ce jour, aucune ne couvrira pas la plage de modulation de l’ensemble du parcours. Idem pour les chaudières ou poêles à bois qui modulent trop peu, ou encore les chaudières fioul dont la puissance de modulation minimale s’arrête à 14 kW (donc trop pour une rénovation performante).

Benchmark des plages de modulation disponibles pour les chaudières gaz à condensation
Figure 3 : Benchmark des plages de modulation disponibles pour les chaudières gaz à condensation (source Ademe, Dorémi-Enertech. 2021).
Benchmark des plages de modulation disponibles pour les pompes à chaleur air-eau
Figure 4 : Benchmark des plages de modulation disponibles pour les pompes à chaleur air-eau (source Ademe, Dorémi-Enertech. 2021).

Pour assurer le confort des occupants au moment de la panne, la puissance installée risque donc d’être trop élevée pour la fin du parcours de rénovation performante : l’équipement va fonctionner de manière dégradée avec des courts-cycles qui abaisseront son rendement et réduiront la durée de vie de l’appareil. Il faudra alors remplacer l’équipement prématurément.

 

Des solutions alternatives sont toutefois envisageables. Si l’équipement est trop puissant au regard des besoins de chauffage en fin de parcours, il est possible d’installer un ballon tampon entre le générateur et le circuit d’émetteurs à eau chaude. Cette solution réduira les courts-cycles et assurera une meilleure durée de vie des équipements, mais nécessite de la place dans le local technique et sera plus coûteuse au final. Elle doit rester une stratégie de compensation ponctuelle et non une stratégie généralisable d’adaptation de la puissance. À l’inverse, si un poêle à bois est prévu, la puissance retenue doit correspondre à la puissance en fin de parcours de rénovation, et des émetteurs électriques pourront compléter la puissance nécessaire jusqu’à l’isolation du logement.

 

Et donc qu’y a-t-il de compliqué dans tout ça ? 

La puissance de l’équipement et sa plage de modulation ne sont pas les seuls critères de réussite d’une rénovation performante par étapes qui commencerait par le chauffage. Les interactions (contact physique entre 2 postes) sont tout aussi importantes : il est nécessaire d’avoir une vision globale du projet de rénovation. Voici quelques exemples de points de vigilance pour donner un aperçu des interfaces à anticiper.

 

Point de vigilance 1 : Remplacement du chauffage avant isolation des murs extérieurs

La position de l’équipement doit permettre d’assurer la continuité de l’isolant et de l’étanchéité à l’air. Dans le cas d’une ITI, le poêle ou la chaudière murale doivent être placés à distance du mur extérieur. Idem pour une ITE, le module extérieur de la PAC doit être écarté du mur.

Remplacement de la PAC avant isolation de la maison
Figure 5 : remplacement de la PAC avant isolation de la maison (source Dorémi-Enertech)
Isolation de la maison dans une 2e étape et position de la PAC empêchant la continuité de l’isolant du mur
Figure 6 : isolation de la maison dans une 2e étape et position de la PAC empêchant la continuité de l’isolant du mur (source Dorémi-Enertech)

Point de vigilance 2 : remplacement du chauffage avant réduction des fuites d’air parasites

Les systèmes placés dans le volume chauffé doivent être étanches (prise d’air extérieure) pour assurer une combustion complète lorsque les fuites parasites de l’enveloppe seront traitées. Dans le cas contraire, la combustion produira des imbrûlés (encrassement du conduit) et les gaz de combustion contiendront du monoxyde de carbone (CO). Ce gaz incolore et inodore est très dangereux (potentiellement mortel) pour les occupants.

Maison non isolée et remplacement du poêle à l’identique
Figure 7 : maison non isolée et remplacement du poêle à l’identique
Début d’isolation de la maison et réduction des fuites d’air parasite entrainant une mauvaise combustion du poêle
Figure 8 : début d’isolation de la maison et réduction des fuites d’air parasite entrainant une mauvaise combustion du poêle (source Dorémi-Enertech)

Point de vigilance 4 : état des réseaux de distribution.

Dans certaines maisons, les réseaux de distribution d’eau chaude sont vieux et nécessitent d’être remplacés. Pour éviter d’avoir des réseaux inaccessibles, car noyés dans l’isolation d’un mur, il est important de prévoir un cheminement des réseaux adapté aux travaux à venir, et également plus courts en les plaçant en partie centrale du logement. La modification de fenêtres en portes-fenêtres peut également nécessiter un déplacement d’émetteur, autant l’anticiper.

Le chauffagiste appelé en urgence doit avoir un regard sur l’état d’isolation du logement et conseiller une implantation du système de chauffage adapté aux futurs travaux. Pas facile en cas d’urgence (les occupants ont froid) !

Remplacement de la chaudière et du réseau de distribution avant isolation des murs par l’intérieur
Figure 9 : remplacement de la chaudière et du réseau de distribution avant isolation des murs par l’intérieur (source : Dorémi-Enertech)

Comment sensibiliser les ménages ?

Tout d’abord, il est important de rappeler que les systèmes de chauffage doivent être remplacés en même temps que l’amélioration de l’enveloppe, ou reportés dans une 2e étape. La réparation du système actuel est donc prioritaire à son remplacement, pour limiter les dépenses et laisser le temps aux propriétaires occupants de se projeter dans un projet de rénovation performante.

 

Ensuite, il est nécessaire que l’artisan appelé en urgence soit formé à la rénovation performante. La connaissance des autres lots lui permettra d’identifier les postes de travaux les plus adaptés au logement et d’apporter des solutions pour traiter les interfaces et interactions du poste chauffage avec le reste du projet de rénovation performante. Il peut également faire venir le reste de son groupement pour proposer une solution complète au logement à rénover. Contactez-nous pour avoir plus d’info sur la formation à la rénovation performante !

 

Enfin, le ménage a besoin d’informations techniques, mais aussi vulgarisées. Dorémi et Enertech travaillent actuellement sur ce sujet en partenariat avec l’Ademe, pour apporter aux particuliers des informations sur les impacts et conseils en rénovation par étapes. Ces fiches seront disponibles dès la rentrée 2022. En attendant, les quelques illustrations ci-dessus qui en sont extraites pourront vous être utiles.

 

Bon hiver à tous !


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