L’isolation extérieure permet-elle de préserver le patrimoine architectural ?
Si la question est parfois sujette à des positions arrêtées, nous proposons d’explorer modestement quelques facettes de ce vaste sujet !
De l’importance du patrimoine architectural et des enjeux de transition énergétique
Le patrimoine architectural bâti recouvre une multitude de réalités et de diversités locales et spécifiques. Il est cependant caractérisé par la valeur que l’on donne à ces constructions. Ces ouvrages sont la marque d’une et souvent de plusieurs époques qui, évoluant au fil de l’histoire, participent à la valeur culturelle d’un territoire.
Lorsqu'on aborde la valeur architecturale du bâti, on peut s'accorder sur le fait que chaque bâtiment ne possède pas le même intérêt ou enjeu architectural. On pourrait en ce sens parler des “50 nuances de valeurs architecturales”. Un immeuble peut être reconnu de grande valeur en étant classé ou inscrit au titre des monuments historiques. De façon plus modeste, une maison peut avoir un intérêt architectural, être le reflet d’une époque ou d’un style simplement grâce à ses modénatures ou la typologie de ses menuiseries qui lui confèrent un cachet particulier. La question de la valeur d’un bâti ne peut pas être abordée uniquement par le prisme des façades extérieures et de son isolation, mais plutôt dans une approche d’ensemble du bâti et de son environnement proche et des paysages. La France a la chance d’avoir de nombreux professionnels qui travaillent au quotidien et à différents niveaux sur les enjeux architecturaux, tels que les artisans locaux, les architectes, les CAUE, les Architectes des Bâtiment de France, etc.
Le patrimoine est également par définition le bâti que nous voulons léguer et transmettre aux générations futures. Il est lié en ce sens à l’enjeu majeur de la transition énergétique. La rénovation du parc bâti français doit réussir à faire converger la nécessaire lutte contre la précarité et la pauvreté, l’impératif de lutte contre le changement climatique et les enjeux de patrimoine architectural et de valeur du bâti dans sa dimension sociétale. Le patrimoine bâti de demain est celui que nous rénovons aujourd’hui.
Le scénario de transition énergétique porté par l'association négaWatt prévoit de façon réaliste, qu’une proportion de l'ordre de 10% de la surface du parc puisse ne pas être rénovée de façon performante d’ici 2050 pour la préservation du patrimoine architectural de notre parc de bâtiments (classés, inscrits, etc. ). À l’inverse, cela signifie que tout le reste du parc devra être rénové de façon performante, y compris des bâtiments ayant une valeur architecturale.
Je veux rénover de façon performante
Constat : l’isolation par l’intérieur privilégiée pour les rénovations du patrimoine architectural
Il est probable que la grande majorité des rénovations énergétiques de maisons possédant un caractère et une valeur architecturales soit réalisée en isolation des murs par l’intérieur. De notre expérience, ce choix se fait de façon assez naturelle : même quand il n’y a pas de contraintes spécifiques liées à l’urbanisme ou à un secteur classé, le propriétaire a souvent la volonté de conserver l’aspect extérieur (pierres apparentes, pan de bois, modénatures spécifiques, corniches, lucarnes ... ). C’est souvent le cas de logements typiques d’un style ou d’une époque dont les façades ont un cachet particulier.
Exemples d’isolation extérieure tenant compte du patrimoine architectural et du caractère de l’existant
L’isolation par l’extérieur a de nombreux avantages dans une démarche de rénovation énergétique. En revanche, cette technique va recouvrir la façade existante : comment préserver l’image architecturale des murs isolés par l’extérieur ?
Rénovation d’un immeuble patrimonial à Paris avec correcteur thermique chaux-chanvre
Situé au cœur du 14e arrondissement de Paris sur une parcelle très dense, cet immeuble de la rue Couëdic est rénové par l’extérieur en béton de chanvre projeté. Les architectes de l’agence North by Northwest Architectes ont fait le choix d’une isolation extérieure biosourcée en site occupé permettant de conserver la valeur patrimoniale de l’immeuble en collaboration avec l'Architecte des Bâtiments de France. Ce ravalement de façade est rendu possible par la projection, directement sur le mur existant, d’un mortier de chanvre et de chaux de 8 cm (avant l'enduit de finition à la chaux) afin d'éviter les sur-structures en bois. Préalablement moulée, la modénature est reproduite à l'identique, conservant ainsi le patrimoine architectural de ces façades ornées.
Réaliser des chantiers ambitieux avec Dorémi
Cette solution est intéressante et peut être adaptée pour des bâtiments classés ou protégés qui ne seront jamais isolés jusqu’à un niveau BBC. Par contre, pour tous les autres bâtiments que l’on souhaite compatibles avec les objectifs nationaux de rénovation performante, il faut envisager de mettre en œuvre de très fortes épaisseurs de l’ordre de 25 à 30 cm (ou plus) ainsi qu’une faible densité pour s’approcher d’une résistance thermique requise pour un bâtiment BBC. Le lambda d’un mortier de chanvre va varier entre 0,07 et 0,16 W/m.°C selon sa composition et sa densité. Il est plus rare de voir ces mises en œuvre à très forte épaisseur en rénovation, mais cela pourrait être envisagé.
Rénovation en isolation extérieure d’un ERP classé, style Eiffel
Le travail de concert des maîtres d’ouvrages, architectes, applicateurs et fabricants montre qu’il est possible de conserver une qualité architecturale en isolant par l’extérieur des bâtiments classés. Le fabricant d’isolant extérieur STO présente en référence un bâtiment industriel centenaire qui a retrouvé son aspect d’origine tout en gagnant en confort thermique grâce à une isolation extérieure et au bardage StoVentec SCM habillé de briques et de métal.
Conserver le style architectural de la maison après isolation extérieure en panneau (laine de bois, laine de roche, polystyrène…)
L’isolation extérieure en panneau (laine de bois, laine de roche, polystyrène…) n’est pas nécessairement synonyme de façades sans caractère. Grâce à un travail de qualité sur les façades et les menuiseries du bâtiment, le cachet de la maison peut être conservé. C’est le cas des rénovations de l’entreprise ARCHENERGIE, qui a intégré récemment le réseau Dorémi, et réalisait déjà des rénovations avec une approche globale. Comme en témoignent les deux exemples ci-dessous, le rendu esthétique avant / après l’isolation extérieure est bluffant !
Dans ce premier exemple, une maison style arcachonnaise à Arès (33) a été rénovée globalement. Pour les murs, une isolation extérieure en polystyrène a été mise en œuvre avec un travail sur les modénatures, les détails et sur l’enduit.
Dans ce deuxième exemple de réalisation par ARCHENERGIE, les murs de cette maison des années 50 à Andernos (33) ont été isolés avec un polystyrène (R=3,75m².K/W) et une finition en enduit « taloché ». L’aspect esthétique de la maison a été conservé grâce à la reconstitution des colombages rouges, des colonnes et la fixation des tuiles collées sur un StoDéco. Les appuis de fenêtres contribuent également à l’esthétisme de la façade. Conçu à base de verres recyclés, ce matériau léger et durable assurera une étanchéité parfaite dans le temps.
Des mortiers à la chaux très performants ?
Il existe des mortiers à projeter très performants à base de chaux intégrant des aérogels de silice. C’est le cas du mortier FIXIT 222, commercialisé par la société FIXIT. Le lambda de ce mortier isolant est de 0,028 W/mK.
Ce mortier a été utilisé dans l’exemple ci-dessous lors du ravalement de la façade d’un immeuble remarquable des années 1900 à Montélimar (26). Dans ce cas de chantier précis, les épaisseurs mises en œuvre sont faibles, mais le produit peut tout à fait être posé en forte épaisseur (épaisseur de couche min. 3 cm - max. 15 cm). Dès 11 cm, la résistance thermique atteint 3,9 m²K/W et cette valeur commence à être compatible avec une démarche de rénovation performante type Dorémi ou rénovation BBC.
En conclusion
Il y a fort à parier que l’isolation des murs par l’intérieur sera la solution naturellement choisie par les propriétaires et professionnels pour les bâtiments dont les façades ont une valeur architecturale. L’isolation extérieure n’est pourtant pas une option technique à exclure. Elle peut se révéler pertinente pour des bâtiments d’intérêt architectural dès lors que la mise en œuvre est réalisée de façon qualitative et en cohérence avec le patrimoine architectural existant. Si dans un projet l’objectif est de rénover de façon performante, il faudra tenir compte de l’épaisseur et de la résistance additionnelle de l’isolant et tenter de limiter les ponts thermiques des éléments de façades. Au-delà de l’énergétique, du confort, c’est parfois une façon de conserver ou même de revaloriser des façades.
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